« Être créatif et réenchanter l’aménagement pour résoudre l’équation de la ZAN »
L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) est pour beaucoup source de questionnements. Imposé par la loi pour répondre à des enjeux planétaires majeurs confirmés par l’actualité estivale, il a parfois été perçu de façon restrictive.
Stella Gass, directrice de la Fédération des SCoT, met en avant une approche positive du sujet.
Selon la loi Climat et résilience, l'artificialisation des sols n'est plus possible depuis le 22 février 2022. Est-ce applicable pour les communes ?
En réalité, le compte à rebours a commencé il y a presque un an, le 22 août 2021, pour une action en deux temps. Tout d’abord, il s’agit de réduire de moitié la consommation de foncier sur une période de dix ans et de mettre en place une trajectoire de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est en 2050 que s’appliquera le principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN) : quand on urbanisera 1 m², 1 m² devra être rendu à la nature.
Ces objectifs très ambitieux concernent tous les acteurs, privés comme publics. Ils devront très rapidement être traduits dans les documents de planification régionaux (les SRADDET, les SAR, le SDRIF ou le PADDUC) et locaux (SCoT, PLU, PLUI, carte communale). Ceux-ci devront expliquer d’une part comment la consommation foncière est réduite de moitié, et d’autre part comment l’objectif de la ZAN est préparé. Aussi, depuis août 2021, le défi des élus consiste à calibrer l’urbanisme opérationnel pour apporter une réponse aux besoins, en matière d’habitat, d’équipement, d’activité économique, d’infrastructure ou de transition énergétique, tout en utilisant deux fois moins de foncier qu’hier !
Comment la Fédération des SCoT se positionne-t-elle dans le débat public concernant la « zéro artificialisation nette », son objectif et ses modalités de mise en œuvre ?
Les élus des SCoT sont bien au courant des enjeux mondiaux de lutte contre l’érosion de la biodiversité et le réchauffement climatique. Depuis plusieurs années, ils fixent des objectifs de réduction de consommation du foncier et partagent complètement les enjeux. D’ailleurs, ils ont déjà initié la trajectoire puisque, selon le CEREMA, la consommation foncière a diminué de 30% sur les dix dernières années.
Les élus mesurent donc très clairement l’exercice de réduction de moitié de l’artificialisation des sols d’ici dix ans. Ils ont également bien conscience de leur responsabilité opérationnelle face à la nécessité de répondre aux besoins de la population tout en protégeant la biodiversité, les sols, la ressource en eau et le climat. L’actualité de cet été confirme encore, s’il en était besoin, l’urgence de répondre à ces questions.
En revanche, même s’ils sont complètement en phase avec les objectifs en matière de biodiversité et de lutte contre le dérèglement climatique fixés par la loi, les élus auraient aimé participer à une co-construction des modalités de mise en œuvre opérationnelle, notamment dans une logique de simplification de la manière de fonctionner. Le sujet n’est pas du tout pour eux de remettre en question les enjeux, mais plutôt d’identifier la façon dont on peut y répondre, en fonction de la réalité des territoires. En effet, devant également répondre à de multiples défis locaux comme l’accélération des risques naturels, le vieillissement de la population, la mutation du commerce ou la réindustrialisation du pays, les élus font face actuellement à une révolution de l’aménagement du territoire.
Réussir le défi de la ZAN passera par l’identification à la fois de leviers opérationnels et de nouveaux modèles d’aménagement. Il s’agit aujourd’hui d’être créatif ! Pour cela, les élus des SCoT ont lancé une dynamique de travail afin d’imaginer ces nouveaux modèles qui nous permettraient de résoudre l’équation compliquée consistant à répondre aux besoins tout en réduisant la consommation foncière.
Selon vous, comment permettre aux collectivités de répondre à l'objectif de « zéro artificialisation nette » et quelles sont leurs perspectives ?
La Fédération des SCoT a réuni de nombreux acteurs de l’aménagement, des experts, des scientifiques et l’ensemble de ses partenaires afin de réfléchir collectivement aux modèles d’aménagement du futur. Comment aborder les besoins de demain, comment créer de la valeur dans le modèle économique du territoire, comment renouveler le dialogue entre acteurs et population, comment favoriser l’appropriation sociale de l’aménagement… De nombreux sujets ont été posés et la publication d’une synthèse, intitulée « S'engager dans de nouveaux modèles d'aménagement », en juin 2022, a permis de concrétiser cette dynamique.
Cet outil présente les différents leviers à disposition des élus locaux d’une part pour répondre dès aujourd’hui aux enjeux de changement de trajectoire de nos territoires et d’autre part pour actualiser les documents d’urbanisme et de planification. L’objectif est ici de travailler dans une logique de projet et de sobriété, tout en sortant de l’approche arithmétique anxiogène de la ZAN.
Par ailleurs, dans cette même philosophie visant à réenchanter l’exercice de l’aménagement, avec Intercommunalités de France et l’Union professionnelle du génie écologique, en partenariat avec l'Association des Maires de France et des présidents d’intercommunalité et avec le soutien de l'Office français de la biodiversité, la Fédération des SCoT a réalisé une vidéo sur la prise en compte de la biodiversité dans l’aménagement.
C’est en parlant par exemple d’îlots de fraîcheur, de nature en ville ou de préservation de la biodiversité que l’on réussira à construire une approche positive de l’aménagement. C’est en regardant les sujets de façon constructive, en faisant envie, que l’on élaborera des stratégies politiques intelligentes pour nos territoires, et que l’on contribuera, en responsabilité mais sans angoisse, aux objectifs de la loi pour faire face aux défis d’aujourd’hui.