Ville low-tech : « Il n’y a pas que des solutions technologiques, pour l’urbanisme il y a des choses à inventer »
Le rapport sur la ville low-tech, « La ville low-tech, vers un urbanisme de discernement », co-écrit avec l’Institut Paris Région et l’Arep, mais aussi soutenu par l’Ademe Île-de-France, prône un urbanisme de discernement. Publié fin 2021, celui-ci s’adresse aux collectivités, aux chercheurs et à toutes les institutions techniques liées à la fabrique de la ville. Le low tech se caractérise par la recherche d’une technologie simple (par opposition à la technologie « high tech »), sobre, peu onéreuse, pouvant être facilement réparée, et qui s’adapte aux besoins du domaine ou lieu concernés. En proposant un saut d’échelle vers l’urbain, les huit auteurs du rapport mettent en avant l’approche low-tech dans un cadre politique et d’aménagement des villes, ne serait-ce que pour examiner, dans un premier temps, sa pertinence : la ville low tech apporte-t-elle quelque chose en plus aux concepts déjà foisonnants dans la pensée urbaine ?
Odile Soulard, économiste urbaniste à l’Institut Paris Région, nous présente ce premier tome, qui en appelle un deuxième.
Quels sont les grands axes qui permettent de développer une ville low-tech ?
L‘idée de ce rapport était d’examiner comment l’approche low tech, soutenue par des publics convaincus, pouvait être opérante dans un cadre politique et pour l’aménagement des villes. D’ordinaire on retrouve des initiatives low-tech dans des solutions quotidiennes, comme la marmite norvégienne [Ndlr : technique permettant le prolongement passif d’une cuisson, sans apport d’énergie]. Nous voulions proposer un saut d’échelle et pousser le concept au niveau urbain. Pour penser la ville low-tech, on retrouve quatre piliers en filigrane : questionner le besoin, rechercher la sobriété, rendre accessible à tous et être à la juste échelle. De manière plus générale, le low-tech, c’est faire confiance en l’intelligence collective et de mettre les citoyens en capacité d’agir dans la ville.
Le premier point, questionner le besoin, implique d’avoir des logiques d’arbitrage et de faire avec l’existant. Par rapport à notre besoin, on regarde comment on peut y répondre en partant de ce qui existe déjà. Le deuxième pilier concerne la recherche de sobriété dans l’utilisation des ressources en mettant les villes au régime. Pour y arriver, il faut arriver à réduire les besoins et à faciliter au maximum la réparation et le réemploi. Le troisième axe est l’accessibilité à tous de ces technologies et en favoriser la réappropriation. Le low-tech pousse les individus à gagner en autonomie, à travers par exemple des Fab lab, des chantiers participatifs, de l’urbanisme transitoire, tout ce qui favorise le « collaborer ensemble ». On se rend compte que les dispositifs qui nous entourent pourraient être simples, ce qui nous permettrait de nous les approprier. Mais pour cela, il faudrait en réduire la complexité.
Enfin, la juste échelle est le dernier pilier. Pour chaque point qu’on aura traité, nous nous demandons quelle est la meilleure échelle d’intervention. Cela implique la collaboration avec les territoires environnants, à travers notamment les circuits courts. Cela permet d’avoir une forme d’autonomie et de souveraineté.
Est-ce que le low tech est compatible avec la densification des villes ?
Ça dépend du contexte local. Les solutions low-tech ne s’incarnent pas de la même manière selon les territoires. Par exemple l’orientation vers du low-tech à Paris, qui est un milieu très urbain, ne sera pas la même qu’en Seine-et-Marne. Le principe est de faire avec l’existant, de le réadapter, par exemple en réaffectant certaines fonctions à des lieux, pour les ré-enrichir, sans forcément ajouter. Questionner le besoin entraînera peut-être la suppression de certaines choses devenues inutiles. Parfois c’est ré-agencer. Parfois ça va être de la densification, parfois non. Une solution sera adaptée à un endroit et pas du tout pertinente à un autre. On peut mieux construire et faire du recyclage urbain. Nous faisons partie du vivant, donc il faut avoir cela en tête dans les solutions. Ce qui veut dire avoir l’empreinte la plus faible possible. Il n’y a pas que des solutions technologiques, pour l’urbanisme il y a des choses à inventer.
Quelles solutions low-tech pourraient être mises en place dans le cadre d’une politique publique d’urbanisme ?
Il faut d’abord partir du constat qu’aujourd’hui nous avons tendance à aller vers des solutions technologiques de plus en plus complexes, sur lesquelles nous n’avons pas la main, voire même qui sont parfois surdimensionnées par rapport au besoin réel. Et en même temps la low-tech, ce n’est pas faire du low-cost. On peut déjà se demander comment privilégier le local à courte échelle, avec par exemple l’installation d’un repair café, s’il y a un besoin. À travers cette économie de la réparation, on s’inscrit dans une démarche low-tech. C’est une philosophie qui peut changer le visage des villes, en imaginant des réimplantations d’activités. Si une équipe low-tech travaille dans un service d’urbanisme, cela ne veut pas dire que le high-tech ne peut pas cohabiter. Notre propos est d’utiliser la bonne technologie au bon endroit. Un deuxième tome de notre rapport ira d’ailleurs davantage vers l’aspect opérationnel du low-tech dans les villes.