« Les Architectes des Bâtiments de France ont à cœur de voir aboutir les projets »
Après avoir donné la parole à un représentant de l’urbanisme des collectivités sur la relation qui se noue avec les Architectes des Bâtiments de France (voir « Échanger et définir de bonnes pratiques en amont des projets permet de travailler efficacement avec l’ABF », févr. 2020), regardons cette relation de travail d’un autre point de vue avec Fabien Sénéchal, ABF dans le Finistère. L’occasion, là encore, de constater que les intérêts de la collectivité et de l’ABF sont souvent convergents et que la dynamique relationnelle est fondamentale.
Comment travaillez-vous avec les élus et les services des collectivités territoriales ?
Il est primordial de mettre en place une relation de confiance aussi bien avec les services techniques de la collectivité qu’avec les élus. Cela passe par des rencontres régulières, des visites de terrain, des échanges. C’est tout le travail en amont des projets d’urbanisme qui vont nous permettre d’être le plus efficace et pertinent possible. Deuxièmement, je pense qu’il faut organiser la co-construction des projets et des avis : par exemple, élaborer ensemble le cahier des charges d’un projet, mettre en place de la concertation. Les Architectes des Bâtiments de France sont avant tout des « architectes » ayant travaillé dans des agences ou des cabinets. Ils connaissent le terrain et ont tous à cœur de « construire » plutôt que de freiner les projets. Pour autant, lorsqu’un aménagement est envisagé, sa réalisation va dépendre de certaines conditions patrimoniales. Il ne faut pas les voir nécessairement comme des contraintes, mais plus comme des « conditions » au même titre que les conditions topographiques ou environnementales des lieux. Rappelons enfin que sur la totalité des avis rendus par les ABF, une petite proportion (autour de 6 %) sont défavorables et seul 0,1 % fait l’objet d’un recours.
Quelles sont les bonnes pratiques à valoriser selon vous ?
En Bretagne, nous expérimentons une assistance à maîtrise d’ouvrage pour les petits travaux à réaliser sur des monuments historiques. Nous savons que l’entretien de ces bâtiments n’est pas simple à gérer pour les élus et peut vite s’avérer coûteux si les travaux s’accumulent. Nous conseillons par exemple le passage d’un couvreur ou le remplacement d’une porte. L'idée étant d'éviter des travaux inutiles ou de préparer le terrain pour de plus grosses opérations. Cela nous donne aussi l’occasion d’échanger sur le terrain avec les élus et les équipes techniques et entretient une dynamique positive. En 2018, dans le contexte d’adoption de la loi ELAN, une note a été envoyée aux préfets de région et aux directeurs régionaux des Affaires culturelles. Elle est le résultat d’un travail commun entre élus, ABF et parlementaires et met en avant ces bonnes pratiques : élaboration de référentiels ou de guides de règles partagées, diffusion de fiches et de conseils sur certains sujets précis, mise en place d’instances de pilotages, organisation de rencontres et enfin recours à la médiation.
Quels changements avez-vous constatés dans votre travail à la suite de la mise en œuvre de la loi ELAN ?
Les deux évolutions notables liées à cette loi sont la suppression de l’avis conforme des ABF sur les mesures prescrites pour les habitations insalubres et sur l’installation des antennes de téléphonie mobile. Pour l’insalubrité, il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de ce changement, nous le verrons dans les dix prochaines années. Le sujet des antennes relais reste sensible, car on constate une judiciarisation des dossiers et à la suite de cette réforme, les élus locaux sont en première ligne. Désormais, leur implantation n’est soumise qu’à un « avis simple », ce qui conduit parfois à ne pas tenir compte de cet avis sous la pression économique et politique. Or, un cas sur deux se solde par un contentieux. Auparavant, l’avis conforme strict permettait de s’appuyer sur un dispositif juridique plus clair pour accepter ou refuser ces antennes. Les outils juridiques des ABF sont solides et constants : ils s’inscrivent dans la durée. Ils représentent un appui pour les collectivités et sont un moyen d’expliquer les décisions aux citoyens.