SEM, SEMOP, SPL : « Il existe un réel engouement pour ces partenariats institutionnels »
En matière d’aménagement du territoire, de plus en plus de collectivités territoriales ont recours à des entreprises publiques locales, telles que les sociétés d’économie mixte (SEM), les sociétés publiques locales (SPL) ou les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP). Comment fonctionnent ces structures et pourquoi sont-elles utilisées par les collectivités ? Nous avons fait le point avec Olivier Chambord, avocat et docteur en droit.
Qu’il s’agisse d’une SEM, d’une SEMOP ou d’une SPL, pourquoi les collectivités territoriales ont-elles recours à ces structures pour mener à bien des projets d’aménagement du territoire ?
Ces partenariats institutionnels ont l’avantage de combiner une certaine souplesse dans le fonctionnement, comme c’est le cas pour les partenariats publics-privés (PPP), avec un partage du risque financier entre partenaires publics et privés, ce qui les différencie des PPP.
La SEM, la SEMOP et la SPL ont pour objectif de réaliser des économies d’échelle, d’inscrire un projet public dans une démarche entrepreneuriale nécessitant parfois un savoir-faire propre au secteur privé. Ils permettent également une prise de décision plus rapide ainsi qu’une gestion des ressources humaines plus adaptée au projet d’aménagement. Plus spécifiquement, certains de ces partenariats permettent de réaliser, sous de strictes conditions, l’exception in house. Les collectivités échappent ainsi à l’une des contraintes souvent décriées de la commande publique, son formalisme et sa lourdeur, qui se trouvent assez mal convenir à certains projets d’aménagement complexes dont les intérêts publics et privés s’entremêlent.
La SEM convient alors aux collectivités qui veulent inscrire un service dans le champ concurrentiel, tout en ne confiant pas la totalité de sa gestion à un opérateur privé pour garder un certain poids dans le fonctionnement et les missions de la structure. La SEM est par ailleurs autorisée à mener des missions réalisées pour d’autres entreprises que les actionnaires.
La SPL est contrôlée par au moins deux collectivités qui doivent disposer, ensemble, de la totalité du capital. Les collectivités actionnaires exercent ainsi le même contrôle que celui qu’elles exercent au sein de leurs propres services, ce qui de ce fait les exonère de la nécessité de la mise en concurrence (quasi-régie ou in house).
Enfin, la SEMOP ressemble à une SEM, à ceci près qu’elle possède une durée de vie limitée à la réalisation d’une opération bien spécifique.
Les collectivités se tournent-elles souvent vers ce type de partenariats ?
Comme en témoigne un rapport de la Cour des comptes consacré aux sociétés d’économie mixte locales publié en 2019, il existe un réel engouement pour les partenariats institutionnels. En 2018, sur les 1 300 entreprises publiques locales, 925 étaient des SEM.
Les sociétés d’économie mixte génèrent un chiffre d’affaires cumulé de 11,6 milliards d'euros et représentent plus de 53 000 emplois. On observe cependant depuis quelques années une légère diminution du nombre de ces structures au profit des SPL et des SEMOP, de plus en plus plébiscitées. Le baromètre des entreprises publiques locales, l’EplScope, indiquait par ailleurs en 2019 que « les SEM, les SPL et les SEMOP devraient maintenir, voire légèrement renforcer leurs positions par rapport aux autres modes de gestion existants, profitant de leurs capacités à satisfaire un nombre croissant de besoins des collectivités locales ».
Le succès des entreprises publiques locales se matérialise dans une grande diversité d’activités. Le domaine du tourisme, de la culture et des loisirs recense désormais le plus grand nombre de ces structures, mais également celui de l’habitat et de l’immobilier, ainsi que celui de l’aménagement, constituent les domaines historiques dans lesquels le plus gros volume d’activité est produit. Parmi les autres secteurs en plein essor pour les entreprises publiques locales, les activités de réseaux et le développement durable se démarquent par un mouvement d’expansion remarquable, ce qui n’est pas sans expliquer — au moins partiellement — la conjoncture favorable à leur développement.
D’autant plus que ces différentes structures constituent un outil particulièrement adapté aux contraintes qui pèsent sur les dépenses publiques locales eu égard à la solidité de la situation financière globale de ces sociétés. Aussi, en soutenant le tissu économique local, ces sociétés maintiennent l’emploi au niveau des territoires et contribuent alors à préserver l’équilibre des bassins de vie aussi bien dans les zones urbaines que rurales.
Quels sont les avantages présentés par la société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), structure la plus récente ?
La SEMOP séduit les collectivités par son caractère éphémère, bien délimité dans le temps et dans son objet puisqu’elle n’existe que pour l’exécution d’une seule opération. La société sera par conséquent dissoute dès la réalisation de son objet ou au terme de l’exécution du contrat attribué.
La compétition pour choisir le partenaire privé est organisée bien en amont de l’opération envisagée, concomitamment à la création de la SEMOP. Une fois la société créée pour l’exécution matérielle de l’opération, les relations entre la SEMOP et les collectivités territoriales qui en sont membres se réalisent grâce à l’exception in house. Ainsi, la mise en concurrence s’effectue non pas pour l’attribution du contrat proprement dit à une structure déjà existante, mais pour le choix de l’actionnaire privé d’une société à créer spécifiquement pour une opération donnée. La sélection de l’actionnaire opérateur économique se fera au terme d’une procédure de publicité et de mise en concurrence unique respectant les règles applicables selon la nature du contrat qui sera attribué à la Semop (concession de service public, marché public).
À noter que contrairement à la SEM et à la SPL, la SEMOP doit être nécessairement constituée par une seule collectivité ou un seul groupement de collectivités territoriales, qui pourra détenir entre 34 % et 85 % du capital, aux côtés d’un ou plusieurs opérateurs privés détenant quant à eux entre 15 % et 66 % du capital.
La collectivité devra cependant anticiper le fait que la SEMOP ne pourra pas se voir confier d’autres missions que celles du contrat ou de ses avenants. Les seules évolutions permises dans ses missions seront celles issues des avenants au contrat qu’elle exécute. Une vigilance toute particulière doit ainsi être portée à la rédaction de ces clauses de réexamen et d’option puisqu’elles doivent préciser le champ d’application et la nature des modifications envisageables. Ce point est primordial, car le recours à la SEMOP semble particulièrement pertinent pour porter des opérations complexes, souvent de longue durée, et pour lesquelles une certaine mutabilité est indispensable.
Autre point de vigilance : la collectivité étant à la fois co-contractante et actionnaire de la SEMOP, elle doit faire attention aux pénalités prévues dans le contrat pour ne pas les subir. Cette contradiction peut être évitée en amont, en prévoyant de reporter sur l’opérateur privé les pénalités figurant dans le contrat entre la collectivité et la SEMOP.
Finalement, la collectivité qui dans cette configuration se comporte à la fois comme un partenaire économique et comme une puissance publique devra nécessairement faire preuve de pédagogie sur ce second aspect avec son partenaire privé pour que la loyauté des relations contractuelles et l’intérêt général triomphent toujours de concert.