Fonds d’aide à la pierre : un dispositif utile, mais à renforcer par la délégation aux acteurs locaux
Un rapport publié le 3 octobre 2018 rend publiques les conclusions du sénateur de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, concernant le contrôle budgétaire de la répartition et l’utilisation des aides à la pierre, mises en place en 2016. Le rapport constitue un premier bilan après deux ans d’existence du fonds national d’aide à la pierre (FNAP). Le bilan global est positif selon le sénateur, même si certaines améliorations sont nécessaires.
Le FNAP, établissement public administratif, a été mis en place à l’été 2016 (D. no 2016-901du 1er juill. 2016). Il tire son financement d’une fraction des cotisations des bailleurs sociaux à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), des majorations des amendes versées par les communes qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU (obligation pour certaines communes de disposer d’un taux minimum de logements sociaux), de contributions et subventions de l’État, des collectivités territoriales ou de toute personne publique. Sa mission est de contribuer au financement du développement, de l’amélioration ou de la démolition des logements sociaux locatifs qui appartiennent aux organismes d’HLM, aux SEM et aux organismes titulaires d’un agrément de maîtrise d’ouvrage (CCH, art. L. 435-1).
Si le fonctionnement de l’établissement public est récent (il n’a connu qu’un seul exercice complet depuis sa création), le dispositif est prometteur selon le rapporteur de la commission des finances. En effet, le fonds, paritaire entre les bailleurs sociaux et l’État à l’origine, favorise une meilleure transparence des crédits consacrés aux aides au logement, et facilite ainsi le contrôle du Parlement. Sa création répondait aux critiques récurrentes de déconnexion entre les attributions des aides et les besoins des bailleurs et occupants.
Avant toute analyse de fond du dispositif d’aide, le rapport soulève l’existence d’une entrave importante au fonctionnement de l’établissement : la vacance de sa présidence suite à la démission du président au cours de l’exercice 2017. Cette situation doit être corrigée en priorité selon le rapport, pour assurer le fonctionnement normal de l’établissement. La nomination d’un nouveau président permettrait de confirmer le rôle du FNAP et de redonner une impulsion politique à son action. En outre, la démission du président était une protestation contre un désengagement partiel de l’État pour 2018, et, selon le projet de loi de finances pour 2019, en cours de débat au Sénat, la part étatique des financements pourrait disparaître en totalité. Cette prévision renforce la nécessité d’une nomination rapide d’un nouveau président pour rassurer les membres du fonds.
De plus, dans l’optique d’un désengagement de l’État du financement du FNAP, la légitimité de maintenir la parité dans son conseil d’administration pourrait être questionnée (voir également en ce sens l’avis de la Commission des affaires économiques du Sénat, no 148 du 22 nov. 2018). En effet, malgré le retrait progressif de l’État, ce dernier continue de fixer des règles strictes et des objectifs nationaux chiffrés, qui contraignent fortement les acteurs locaux et les bailleurs sociaux.
Le rapport présente également quatre recommandations complémentaires dont le fil conducteur est une délégation plus importante des politiques nationales du logement aux acteurs locaux.
En premier lieu, il est conseillé d’améliorer la prise en compte des besoins locaux par la réalisation d’études qualitatives, aboutissant à un meilleur partage des informations entre les acteurs nationaux et locaux. Faire reposer le dispositif entier sur le système national d’enregistrement des demandes (SNE) est insuffisant pour connaître avec précision les besoins locaux.
En second lieu, le rapport recommande l’inclusion de la réhabilitation de logements locatifs sociaux dégradés au sein des opérations soutenues par le FNAP. En effet, limiter les financements du fonds aux constructions neuves prive certains territoires de logements sociaux.
Ensuite, le rapporteur se prononce en faveur de la délégation complète des aides à la pierre aux collectivités locales. L’État pourrait se désengager du processus ce qui réduirait notamment les cas de doubles instructions des dossiers (par l’État puis les collectivités).
Toujours dans le sens d’une délégation aux échelons locaux, le rapport encourage une meilleure prise en compte de la consommation réelle des crédits alloués aux régions. En effet, l’utilisation de ces crédits diffère fortement entre les territoires ce qui impose une réaffectation des sommes en cours d’exercice.
Pour finir, le rapport propose de sécuriser la gestion du FNAP par une programmation triennale des crédits. Ce changement donnerait davantage de visibilité aux acteurs, puisque des projets de constructions de logements sociaux peuvent difficilement se réaliser sur une seule année.