La simplification : Sisyphe et l’urbanisme
Le début d’année est souvent propice aux bonnes résolutions. L’urbanisme n’y échappe pas : trois vagues de propositions et deux lois dont les premières applications auront lieu en 2015. En juin, en octobre et en décembre, les membres du gouvernement ont progressivement révélé des mesures de simplification. Sur les 50 mesures proposées, 10 sont réalisées, à l’instar de la suppression de l’obligation de travaux de protection contre la vitesse excessive des ascenseurs en montée ou encore la libéralisation de l’utilisation du bois dans les constructions. Les autres sont en cours de réalisation, comme l’installation d’un Conseil supérieur de la construction, chargé de contrôler l’opportunité de l’édiction d’une nouvelle norme.
Une simplification très ciblée
Dans le même temps, deux lois de simplification ont vu le jour, habilitant le gouvernement à simplifier le droit par voie d’ordonnance et facilitant l’édiction de plans locaux d’urbanismes intercommunaux.
Les ordonnances seront prises dans trois grands domaines. Une ordonnance simplifiera les règles de hauteur ou de gabarit afin de favoriser le développement de projets de construction ou d'aménagement situés en entrée de ville ou dans des zones à dominante commerciale. Ce « bonus de constructibilité », qui n’était pas prévu dans les 50 mesures de juin, voit le jour avant d’autres mécanismes de simplification.
D’autres ordonnances créeront le certificat de projet, sorte de guide procédural, qui assure au « porteur de projet » que les règles applicables ne seront pas modifiées pendant sa procédure, comme cela existe déjà depuis le 1er avril 2014 en Aquitaine, Champagne-Ardenne et Franche-Comté et le 1er septembre 2014 en Bretagne. Délivré par le représentant de l’État compétent, il permet de fixer le régime des polices spéciales auquel le projet est soumis, notamment lorsqu’une déclaration ou surtout une ou plusieurs autorisations préalables sont exigées.
Ce mécanisme sera particulièrement utilisé pour certaines installations classées, en particulier les éoliennes, dont le régime juridique d’installation combinant le droit de l’urbanisme aux droits de l’environnement et forestiers coïncide parfois mal avec l’évolution des techniques. Les ordonnances devraient ainsi permettre d’assurer le respect de l’ordre public spécial et d’assurer si ce n’est une simplification dans les démarches, au moins une lisibilité.
Les certificats de projets resteront des dispositifs expérimentaux, en place pour trois ans, et dans certaines régions uniquement.
Le droit de l'environnement, très lié aux questions d'urbanisme, sera aussi modifié par les ordonnances de la loi du 2 janvier 2014. Les plans d'aménagement de zones à développer économiquement permettront d'adapter le régime juridique à appliquer, notamment en diminuant les contraintes procédurales. L'enquête publique, dont la transformation en « mise à disposition du public » pour faire baisser les délais est promise de longue date, pourrait prendre corps à cette occasion.
Une simplification inscrite dans la réforme territoriale
La simplification du droit de l’urbanisme ne concerne pas que les porteurs de projets et autres entrepreneurs. Les administrations locales en bénéficieront, grâce notamment à un article introduit par le Sénat dans la loi du 20 décembre 2014. Conscient des difficultés de coordination entre d’une part l’objectif d’élaboration intercommunale du plan local d’urbanisme prévu par la loi ALUR et d’autre part la modernisation de ces documents (compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale, compatibilité avec le Grenelle avant le 31 décembre 2016, transformation des plans d’occupation des sols en plans locaux d’urbanisme avant le mois de mars 2017 sous peine de retour au règlement national d’urbanisme, naissance des métropoles…), le législateur suspend l’application des délais prévus par ces différentes règles. En d’autres termes, et sous deux conditions (le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable du territoire a lieu au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale avant le 27 mars 2017 et le plan local d'urbanisme intercommunal est approuvé au plus tard le 31 décembre 2019), la modernisation peut se poursuivre en même temps que le transfert de la compétence urbanistique aux intercommunalités.
Par ailleurs, pour parachever ce mouvement, la loi prévoit que l’intercommunalité compétente pourra achever une modernisation entamée avant qu’elle ne soit compétente.
La simplification, face à ses propres défis
La bonne résolution semble être déjà éprouvée : les mesures proposées sont pour la majorité déjà en retard, et les textes de simplification sont, soit très ciblés et à titre expérimental, soit, sous couvert d’une simplification procédurale pour articuler ingénierie territoriale et modernisation, porteurs d’une complexification du fond du droit de l’urbanisme.
La publication des textes annoncés comme signés le 4 décembre dernier sera un signe de l’avancée de ce grand chantier, dont le dernier « point d’avancement » date de la fin du mois de juin 2014.
Sources :
– Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, art. 12 à 22
– Loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, art. 13 à 16