La question des cœurs de ville, une approche globale et innovante proposée par le rapport Marcon

Par Timothée Diot

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E-commerce, tentation périurbaine, multiplication des grandes surfaces commerciales… Nombreuses sont les causes qui expliquent la déprise de nombreux centres-villes. Inscrite dans le cadre du plan « action cœur de ville », la mission prospective sur la revitalisation des centres-villes présente dans un rapport son expertise et des pistes pour renverser la situation.

Le 14 décembre 2017, lors de la seconde conférence nationale des territoires, le plan « action cœur de ville » a été annoncé. Ce plan cible les villes dites « moyennes » avec l'objectif de les conforter face au développement des métropoles et de lutter contre la déprise de leurs centres-villes. Le plan a pour ambition d'améliorer les conditions de vie des habitants de ces villes tout en affirmant leur rôle de moteur de développement du territoire. Conçu avec de nombreux acteurs de terrain, il propose une action globale basée à la fois sur une évolution législative et une démarche de contractualisation qui permettra de débloquer une enveloppe de 5 milliards d'euros en soutien des projets de revitalisation des centres-villes.

Cette politique est portée par Jaques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires. Il a commandé au début de l'année avec Delphine Gény-Stéphann, secrétaire d'État après du ministre de l'Économie, un rapport pour explorer les possibilités d'évolution des cœurs de ville. Ce rapport a été remis le 14 mars 2018 au ministre et à la secrétaire d'État par André Marcon, président de CCI France et maire d'une commune de Haute-Loire.

Les villes moyennes (30 000 à 40 000 habitants) constituent un tissu historique qui concentre aujourd'hui 23 % de la population française et 26 % de l'emploi. Toutefois, elles connaissent des situations difficiles dont leurs centres-villes sont le reflet. La mission prospective chargée du rapport constate plusieurs facteurs alarmants : baisse de la population, taux de vacance commerciale croissant et paupérisation. Elle explique cette situation par des causes multiples, liées aux modes de vie, mais aussi aux contextes territoriaux propres à chaque centre-ville. Afin d'inverser cette tendance, la mission met en avant la nécessaire politique d'ensemble incluant tous les facteurs de crise et le besoin d'agir sur l'attractivité des centres-villes. Il est affirmé très clairement dans le rapport que les objectifs du plan « action cœur de ville » ne pourront être atteints que par double action, à l'échelle nationale avec la mise en place d'une politique et d'une législation adaptées en faveur des centres-villes et à l'échelle locale en mobilisant les atouts et les acteurs de terrain de chaque territoire.

Concrètement, le rapport Marcon propose des actions sur quatre axes jugés stratégiques. Le premier axe est celui de la gouvernance. Elle a une dimension importante, car nombreux sont les acteurs, les dispositifs et les politiques sectorielles qui interagissent dans les centres-villes. Il est proposé de créer un comité de gouvernance à la composition large et diverse, de recruter des managers de centre-ville, de former les élus et de créer un observatoire régional des centres-villes.

La redynamisation des centres-villes nécessite une réforme du droit de l'urbanisme afin de rendre l'offre en termes de commerces et d'habitats plus attractive et d'inciter l'investissement dans les quartiers de centre-ville. Le rapport préconise entre autres l'élaboration d'un plan-guide stratégique systémique pour chaque centre-ville, la contractualisation avec l'État autour de ces plans-guides, la suppression de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) en centre-ville, la mise en place d'outils pour engager la mutation des commerces, la simplification des normes (accessibilité, patrimoine…) pour accélérer la transformation des locaux commerciaux.

Le commerce a besoin de flux et de clientèle, traités dans le troisième axe consacré à l'animation urbaine. La mission invite à privilégier l'implantation des services à la population (publics, privés, innovants…) en centre-ville et de créer une modularité dans les espaces publics propres à accueillir des événements tout en simplifiant le quotidien des commerçants et renforçant le marketing territorial dédié au centre-ville.

Le commerce connaît aujourd'hui de rapides bouleversements. Le dernier volet du rapport présente des pistes pour intégrer cette dynamique en centre-ville plutôt que de la subir. Il est proposé d'être innovant, de faciliter l'implantation de nouveaux concepts commerciaux et d'expérimentations. La mission s'attaque aussi à des questions très sensibles comme l'extension de l'ouverture des commerces et l'émergence de groupements d'employeurs permettant le multi-salariat.

Le 27 mars dernier, Jacques Mézard a annoncé la liste des 222 villes retenues dans le cadre du plan national « Action cœur de ville ». Ces villes concluront des contrats-cadres avec l'état pour définir les modalités du soutien à leur projet de réhabilitation de cœur de ville. André Marcon proposait de ne contractualiser qu'avec des villes ayant au préalable défini un plan stratégique complet de développement. Cette condition est loin d'être systématiquement remplie pour toutes les villes retenues. On constate ici un premier décalage entre les recommandations et l'application…