Le refus de permis modificatif n’entraîne pas la suspension du permis initial
Si jusqu’à une époque pas si lointaine, le fait de faire « traîner » un contentieux pouvait à lui seul permettre d’empêcher la réalisation d’un projet, la solution, depuis un arrêt n° 402109 du 21 février 2018 du Conseil d'État, est désormais claire.
Lorsqu’une autorisation d’urbanisme est attaquée par un tiers devant la juridiction administrative ou la juridiction civile, le délai de validité d’une autorisation d’occupation des sols est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision définitive (C. urb., art. R. 424-19).
Toutefois, le texte ne prévoit pas l’hypothèse où une autorisation initiale a été accordée mais que le pétitionnaire a ultérieurement modifié son projet et sollicité un permis de construire modificatif qui a été refusé par l’autorité administrative.
C’est dans ce contexte que le maire de Crest-Voland a délivré en avril 2007 à une société civile de construction-vente (SCCV) un permis de construire portant sur la réalisation d’une résidence de tourisme. La société a ensuite sollicité un permis de construire modificatif qui a été rejeté par le maire.
La société a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble qui a annulé le refus et enjoint au maire de Crest-Voland de statuer de nouveau sur la demande de la société pétitionnaire.
La commune a fait appel de ce jugement.
La cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l’appel de la commune et a jugé que le délai de validité du permis de construire dont était titulaire la SCCV Les Balcons de l’Arly et pour lequel elle demandait la délivrance d'un permis modificatif avait été suspendu pendant la durée du recours formé par la société contre le refus de lui délivrer le permis de construire modificatif.
L’on comprend ici que la Cour a opté pour un raisonnement global. En effet, d’un point de vue pratique, la solution est logique ; cela n’a guère de sens d’engager des travaux conformément à une autorisation d’urbanisme que l’on souhaite voir modifier.
Selon elle, en cas de recours contre un refus de permis de construire modificatif, le délai de validité du permis de construire initial était suspendu.
Mais cette solution – il est vrai assez éloignée de la lettre de l’article R. 424-19 –, n’a pas convaincu la Haute Juridiction qui a jugé qu’ « en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article R.* 424-19 du Code de l'urbanisme ne sont pas applicables en cas de recours du bénéficiaire d'un permis de construire contre le refus de lui délivrer un permis de construire modificatif, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit ».
C’est donc l’analyse littérale de l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme qui a primé. Au reste, cette solution n’est pas dénuée de logique, dès lors qu’autant le contentieux intenté par le tiers est « subi » par le pétitionnaire, il est maître de celui qu’il engage contre un refus de permis de construire modificatif.
En outre, dans le cadre d’un refus de permis modificatif, le permis initial est en principe sécurisé, de sorte que le pétitionnaire peut, d’un point de vue juridique, engager les travaux sans s’exposer à un risque indemnitaire ou de démolition. De sorte qu’il n’a aucun risque autre que des difficultés techniques à mettre en œuvre un permis de construire modificatif ultérieurement obtenu, à engager les travaux.
Précision utile : l’article R. 424-19 du Code de l'urbanisme prévoit pour une suspension du délai de validité de l’autorisation d’occupation des sols qui implique qu'à partir de la survenance de la décision irrévocable, le délai recommence à courir pour la durée restante (Rép. min. n° 17, JOAN, 16 oct. 2007).