Non transmission d'une QPC : Exceptions à la prescription administrative des travaux réalisés sans permis
Par une décision du 12 septembre 2018, le Conseil d’État refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du Code de l’urbanisme qui excluent les travaux réalisés sans permis de construire de la prescription décennale.
(CE, 12 sept. 2018, no419093)
Construire ou modifier une construction existante en méconnaissance des règles relatives aux permis de construire est une infraction. La prescription pénale est de trois ans et, en matière civile, un délai de dix ans est ouvert pour engager une action en démolition. La prescription administrative était fondée sur des règles jurisprudentielles. Une décision du Conseil d’État de 1986 (no 51172) refusait toute prescription des travaux réalisés sans permis, puisque la construction n’avait pas d’existence juridique. Cette règle stricte avait pour conséquence qu’une demande de modification ou de rénovation de la construction ne pouvait être accordée sans régularisation de la construction initiale, ce qui parfois était impossible au regard des règles d’urbanisme en vigueur. En 2006, pour assurer une certaine sécurité juridique à ces situations, une exception est ajoutée au Code de l’urbanisme (art. L. 421-9). Sauf cas particuliers identifiés précisément dans le texte, si la construction est achevée depuis plus de dix ans, un permis ne peut être refusé sur le fondement de l’irrégularité de la construction initiale par rapport aux règles d’urbanisme. Il existe donc une prescription décennale pour les constructions irrégulières.
Toutefois, des cas particuliers font exception à cette prescription de principe. Une construction réalisée sans permis de construire ne peut bénéficier d’aucune prescription. Cette limite est importante et la jurisprudence est venue la préciser.
Par une décision du 3 février 2017 (no 373898), le Conseil d’État a proposé une interprétation stricte de l’exception inscrite au Code de l’urbanisme. La Cour administrative d’appel considérait que des travaux d’ampleur limitée et ne conduisant pas à une nouvelle construction pouvaient bénéficier de la prescription décennale. Le conseil d’État rejette ce raisonnement et annule la décision pour erreur de droit. Ainsi, les travaux réalisés sans permis de construire, quelle que soit leur importance, ne peuvent être prescrits.
Il est important de noter qu’en revanche, la prescription s’applique aux travaux soumis à une déclaration préalable. En effet, le texte mentionne uniquement les constructions réalisées sans permis de construire.
Dans la décision commentée, le demandeur considérait que le refus de faire bénéficier tous les propriétaires de la prescription avait pour effet de priver une personne ayant acquis un immeuble de la possibilité de réaliser des travaux de modification sur celui-ci. Un propriétaire pouvait se voir privé de la jouissance complète de son bien du fait d’un non-respect des règles d’urbanisme dont il n'est pas responsable et dont il ne pouvait pas avoir connaissance.
Le droit de propriété dont la protection est garantie par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, n’est toutefois pas absolu. Avant de transmettre au Conseil constitutionnel, les juges du Conseil d’État vérifient la nature et le degré d’atteinte à la propriété, et une atteinte justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée est tolérée. En l’espèce, saisi d’une demande de QPC, le Conseil d’État considère que la soumission de certains travaux à un permis de construire ou à une déclaration préalable est justifiée par l’intérêt général de la maitrise du sol et du développement urbain. L’existence d’une exception accordant une prescription décennale à certains travaux est favorable au droit de propriété. La non-extension de cette exception aux graves irrégularités, dont font partie les travaux sans permis, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. La QPC ne présentait donc pas de caractère sérieux et elle n’a donc pas été envoyée au Conseil constitutionnel.