L’affichage en mairie des demandes d’autorisation d’urbanisme en cours d’instruction : quelle importance ?
On sait l’importance que revêt la publicité d’une autorisation d’urbanisme, une fois celle-ci obtenue. En affichant son autorisation sur le terrain, l’utilisateur du sol s’assure de déclencher le délai de recours des tiers. On est un peu moins attentif à l’affichage, en mairie, de la demande de permis ou de la déclaration préalable, pendant son instruction. Pourtant, la formalité est requise à l’article R. 423-6 du Code de l’urbanisme. Et elle exerce une influence de plus en plus sensible sur la recevabilité d’éventuelles actions contentieuses.
Champ d’application et modalités de l’affichage
Organisé par les dispositions communes aux permis et aux déclarations, l’affichage concerne les demandes de permis de construire, d’aménager et de démolir, ainsi que les déclarations préalables (DP). En revanche, les demandes de certificats d’urbanisme n’y sont pas astreintes.
Quant aux modalités concrètes de l’affichage, l’article R. 423-6 n’est pas d’une précision horlogère. Il faut dire qu’après quelques indications sur le lieu de l’affichage (la « mairie »), sa forme (« un avis de dépôt […] précisant les caractéristiques essentielles du projet »), ainsi que sa durée (« dans les quinze jours qui suivent le dépôt […] et pendant la durée d'instruction »), le texte confie à un « arrêté du ministre chargé de l'Urbanisme » le soin d’en préciser les « conditions ». Or, à notre connaissance, l’arrêté ministériel en question n’a jamais été édicté. En tout cas, la partie « Arrêtés » du Code de l’urbanisme ne réglemente nullement l’affichage administratif des demandes et des déclarations.
Faute de mieux, on raisonnera par analogie, en s’inspirant du régime de l’affichage des autorisations délivrées.
Si les avis de dépôt semblent pouvoir être affichés dans l’enceinte de la mairie, et non pas forcément à l’extérieur, on veillera tout de même à choisir un emplacement normalement affecté à l’affichage des actes administratifs et facilement accessible aux heures d’ouvertures (par transposition : CE, 8 déc. 1971, Ministère de l’Équipement et Sieur Lécussan, n° 78780 et CAA Paris, 30 janv. 2001, M. et Mme Jacquemart et autres, n° 00PA03853).
Quant aux « caractéristiques essentielles du projet », requises à l’article R. 423-6, il nous sera difficile d’être exhaustif, les travaux, ouvrages et opérations assujetties à permis ou à DP étant d’une infinie variété. Comme mention systématique, on peut suggérer la catégorie d’autorisation sollicitée, l’identité du pétitionnaire, l’adresse et la contenance du terrain ainsi que la nature du projet. Ensuite et selon le cas, l’avis de dépôt indiquera, soit la destination, la surface de plancher ainsi que la hauteur des constructions à édifier ou à démolir, soit les destinations et/ou surfaces préexistantes et projetées, dans le cas de travaux sur existant, soit le nombre de lots à créer et la nature des éventuels équipements communs, dans le cas d’un lotissement, soit la nature des travaux ainsi que les caractéristiques sommaires des ouvrages à réaliser, dans les autres cas.
Portée de l’affichage
L’affichage de la demande ou de la déclaration fait partie de la procédure administrative préalable à la décision. Mais la jurisprudence ne l’a jamais élevée au rang de formalité substantielle, la jugeant sans incidence sur la légalité de l’autorisation (en ce sens : CE, 26 mai 1995, M. et Mme Vanbockstael, n° 123266 ; CAA Nancy, 9 déc. 2004, Mme Wegmann, n° 00NC00815).
En réalité, la sanction est ailleurs, le législateur ayant fait de l’affichage de la demande ou de la déclaration un événement déterminant pour la recevabilité des recours.
Avec la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, il a d’abord créé l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel « une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».
Plus récemment, le nouvel article L. 600-1-3 du même code, issu de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, a posé une exception au principe selon lequel l’intérêt à agir du requérant s’apprécie à la date d’enregistrement de sa requête. Il prévoit que « sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ». Au passage, on relèvera que, par une restriction difficile à justifier, le dispositif s’applique aux permis, mais pas aux DP.
Parmi les interrogations que soulèvent ces deux textes, l’une d’elles intéresse spécialement le présent focus. Il s’agit de savoir si l’affichage de la demande s’entend ici d’un affichage en tout point conforme à l’article R. 423-6 du Code de l’urbanisme. Un arrêt de cour répond par la négative, considérant que seule compte la date de l’affichage « à l’exclusion de sa régularité ou de sa conformité » (CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques, n° 13MA03143). Il est vrai que dans un cas comme dans l’autre, la loi ne fait pas référence à un affichage complet ou régulier, ni ne renvoie aux dispositions réglementaires le gouvernant. Mais la solution reste à confirmer et en attendant, prudence et nuance sont de mise. À nos yeux, un affichage écourté à l’excès, difficilement visible ou trop laconique pourrait équivaloir à une absence d’affichage.
Preuve de l’affichage
Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, l’administration et le titulaire de l’autorisation, qui supportent la charge de la preuve, doivent être en mesure d’établir que l’affichage de la demande ou de la déclaration est effectivement intervenu.
À ce propos, un auteur avisé rappelle qu’en vertu des articles L. 2122-29 et R. 2122-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), les « actes de publication » doivent être inscrits, par ordre de date, sur un registre municipal. Il suggère que l’affichage prévu à l’article R. 423-6 du Code de l’urbanisme n’échappe pas à la règle et que sa trace au registre permet d’en ménager la preuve (D. Gillig, « Recevabilité des recours des associations et application des dispositions de l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme », Environnement, n° 4, avr. 2009, comm. 53). Il est quand même permis de s’interroger. Indéniablement, l’affichage d’une demande de permis est une mesure d’information. Mais correspond-elle à une véritable « publication » au sens et pour l’application du CGCT, étant observé qu’il ne s’agit pas là de publier un acte administratif, dans le but de le rendre exécutoire et de déclencher le délai de recours à son encontre ? Il s’agit simplement d’aviser la population de ce qu’une demande ou une déclaration, laquelle donnera naissance à un acte, a été déposée et se trouve en cours d’instruction.
Quoi qu’il en soit, le défendeur pourra compter sur une jurisprudence qui, jusqu’à présent, se montre accommodante. Au point que l’on se demande parfois si la charge de la preuve n’est pas renversée. Pour prouver et dater l’affichage en mairie d’une demande de permis, un simple certificat du maire paraît suffire (CAA Bordeaux, 3 fév. 2009, ADEVG, n° 08BX00890 ; CAA Nancy, 22 nov. 2012, ADPESM, n° 11NC02013). Et le fait que le certificat soit établi des années après l’affichage, pour les besoins de l’instance, ne semble pas diminuer sa force probante (CAA Lyon, 12 oct. 2010, Association Vent de Raison, n° 08LY02786 et 8 nov. 2011, Association Vent de Fageole, n° 09LY02583). Le certificat fait alors foi jusqu’à – solide – preuve du contraire (mêmes arrêts). Gageons qu’un arrêté de permis ou de non-opposition à DP qui comporterait un visa, ou toute autre mention propre à attester l’affichage, aura la même valeur qu’un certificat en ce sens (voir, par analogie : CE, 8 fév. 1999, Commune de La Clusaz, n° 171946).
De leur côté, les pétitionnaires les plus prévoyants pourront mandater un huissier pour constater l’affichage de leur demande ou de leur DP à la mairie. Ils pourront aussi recourir à d’autres techniques, comme celle consistant à saisir, sur la même photographie, l’avis de dépôt et la une datée d’un quotidien.
Sources :
- C. urb., art. L. 600-1-1, L. 600-1-3 et R. 423-6
- CGCT, art. L. 2122-29 et R. 2122-7